Crise parlementaire en Corée du Sud : affrontement sur l'examen du budget 2025
Une nouvelle crise politique secoue l'Assemblée nationale sud-coréenne après que le président de la Commission spéciale du budget et des comptes, Han Byeong-do, du Parti démocrate (opposition), ait unilatéralement annoncé le calendrier d'examen du projet de budget 2025. Cette décision a ravivé les tensions entre le parti au pouvoir et l'opposition autour d'un budget colossal de 677 billions de wons (environ 460 milliards d'euros), déclenchant une bataille politique plus tôt que prévu.
Pour comprendre l'ampleur de cette crise, il faut rappeler le fonctionnement particulier du système parlementaire sud-coréen, où l'opposition contrôle actuellement l'Assemblée nationale depuis les élections législatives d'avril 2024. Cette configuration, rare dans les démocraties occidentales, crée des tensions constantes entre le gouvernement conservateur du président Yoon Suk-yeol et la majorité parlementaire progressiste dirigée par Lee Jae-myung.
Le 29 septembre, dans un contexte déjà tendu par l'audit gouvernemental annuel et la préparation de l'examen budgétaire, Han Byeong-do a provoqué l'indignation du Parti du pouvoir du peuple (PPP, parti présidentiel) en annonçant de manière unilatérale le calendrier des travaux de la commission. Cette décision a été immédiatement dénoncée par Choo Kyung-ho, secrétaire général du PPP à la commission budgétaire, qui l'a qualifiée de « mesure dictatoriale sans précédent qui ignore complètement les conventions et procédures parlementaires ».
Controverse autour du budget supplémentaire de 30,5 billions de wons
Le conflit a éclaté lorsque le président Han a annoncé qu'il ne consacrerait qu'une seule journée aux questions de politique générale sur le deuxième budget supplémentaire de 30,5 billions de wons (environ 21 milliards d'euros). Cette décision apparaît d'autant plus controversée que le premier budget supplémentaire d'avril, d'un montant de 12,2 billions de wons, avait bénéficié de deux jours de débat parlementaire.
Pour les observateurs français familiers du système parlementaire, cette situation évoque les tensions qui peuvent survenir lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale française, mais avec une particularité : en Corée du Sud, c'est l'opposition qui contrôle l'agenda parlementaire, inversant les rapports de force habituels entre gouvernement et parlement.
Le Parti du pouvoir du peuple a vivement critiqué cette décision, estimant qu'« il est inconcevable de traiter en une seule journée un budget supplémentaire qui représente plus du double du précédent ». Les élus conservateurs dénoncent une volonté délibérée de bâcler l'examen parlementaire pour des raisons politiques.
Les tensions se sont accrues lorsque le PPP a accusé Lee Jae-myung, leader charismatique de l'opposition et ancien candidat à l'élection présidentielle, d'orchestrer cette stratégie. Selon Choo Kyung-ho, « Lee Jae-myung prône publiquement le dialogue et la coopération, mais ordonne en interne de faire adopter coûte que coûte le budget supplémentaire ». Il dénonce ce qu'il considère comme une dérive vers une « dictature budgétaire » qui dépasserait même la « dictature législative ».
Maintien du calendrier controversé malgré les protestations
Malgré ces vives protestations, Han Byeong-do maintient sa position et refuse de modifier le calendrier initial. Le Parti démocrate justifie cette fermeté par des contraintes de calendrier, arguant que « compte tenu des dates limites légales pour le traitement du budget et du calendrier de l'audit gouvernemental, une gestion efficace du temps s'impose ». L'opposition rejette ce qu'elle considère comme des « exigences déraisonnables » de la part du parti présidentiel.
Cette intransigeance s'inscrit dans un système institutionnel sud-coréen où les prérogatives budgétaires du parlement sont particulièrement étendues, contrairement au système français où le gouvernement dispose de moyens constitutionnels (comme l'article 49.3) pour faire adopter son budget. En Corée du Sud, le gouvernement dépend entièrement de la majorité parlementaire pour l'adoption de ses projets budgétaires.
La Commission spéciale du budget et des comptes prévoit d'entamer l'examen approfondi du projet de budget 2025 à partir du 31 octobre. Ce budget de 677 billions de wons représente une augmentation de 3,2% par rapport à l'exercice précédent, avec des priorités données à l'extension des programmes sociaux et au soutien à la reprise économique, dans un contexte de ralentissement de la croissance.
Perspectives d'escalade en novembre
Les milieux politiques s'attendent à une intensification des tensions lors du processus d'adoption du budget en novembre. L'opposition exige une révision complète du projet gouvernemental, tandis que la majorité présidentielle plaide pour un examen rapide afin de respecter les délais constitutionnels. Cette confrontation semble inévitable dans un contexte de polarisation politique croissante.
Cette crise budgétaire intervient dans un climat politique déjà tendu, marqué par les enquêtes judiciaires visant Lee Jae-myung et les difficultés du gouvernement Yoon face à une opposition majoritaire. Pour les observateurs internationaux, cette situation illustre les défis de la cohabitation à la sud-coréenne, où le président et l'Assemblée nationale appartiennent à des camps politiques opposés.
L'enjeu dépasse largement les questions techniques de calendrier parlementaire. Il s'agit d'un véritable test de force sur la gouvernance du pays, dans un contexte économique difficile marqué par l'inflation, le ralentissement de la croissance et les tensions géopolitiques régionales. Le budget 2025 doit notamment répondre aux défis du vieillissement démographique, de la transition énergétique et du renforcement de la défense face aux menaces nord-coréennes.
Han Byeong-do, élu président de la Commission spéciale le 27 juin dernier, fait face à des critiques récurrentes de l'opposition depuis sa prise de fonction. Le Parti du pouvoir du peuple dénonce continuellement ce qu'il considère comme une « gestion autocratique de la commission qui porte atteinte aux procédures démocratiques de l'Assemblée nationale ». Ces tensions reflètent les difficultés structurelles du système politique sud-coréen à gérer les périodes de cohabitation.
Cette crise budgétaire sud-coréenne présente des similitudes avec les blocages institutionnels que peuvent connaître d'autres démocraties parlementaires, mais avec une spécificité : l'ampleur des prérogatives budgétaires du parlement et l'absence de mécanismes constitutionnels permettant au gouvernement de passer outre l'opposition parlementaire. Dans ce système, la négociation et le compromis deviennent indispensables, ce qui rend d'autant plus problématique l'actuelle escalade des tensions.
Les prochaines semaines seront déterminantes pour l'avenir de la gouvernance sud-coréenne et la capacité des institutions démocratiques du pays à surmonter cette crise parlementaire majeure. L'issue de ce conflit budgétaire pourrait influencer durablement les rapports de force politiques et la stabilité institutionnelle de la Corée du Sud.
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