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Corée du Sud : adoption d'une loi d'urgence pour indemniser les victimes d'escroqueries immobilières « jeonse »

Corée du Sud : adoption d'une loi d'urgence pour indemniser les victimes d'escroqueries immobilières « jeonse »

L'Assemblée nationale sud-coréenne a adopté le 29 septembre une loi d'urgence révolutionnaire permettant aux victimes d'escroqueries immobilières de récupérer immédiatement 80% de leurs dépôts de garantie. Cette « Loi de secours d'urgence pour les victimes d'escroqueries jeonse », votée à l'unanimité par tous les partis politiques, mobilise un budget gouvernemental de 5 000 milliards de wons (environ 3,4 milliards d'euros) pour une mise en œuvre immédiate, marquant une réponse inédite à une crise immobilière qui ébranle la confiance des Sud-Coréens dans leur système locatif unique au monde.

Pour comprendre l'ampleur de cette crise, il faut saisir les spécificités du système locatif coréen « jeonse », pratiquement inexistant ailleurs dans le monde. Dans ce système, les locataires versent un dépôt de garantie équivalent à 50-80% de la valeur du logement (souvent entre 200 000 et 500 000 euros pour un appartement à Séoul), sans payer de loyer mensuel. Le propriétaire utilise cet argent pour ses investissements et restitue intégralement la somme à la fin du bail. Ce mécanisme, hérité de traditions financières ancestrales coréennes, permet aux familles de se loger sans charges mensuelles, mais les expose à des risques considérables en cas de défaillance du propriétaire.

Selon le ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports, le nombre de signalements d'escroqueries jeonse atteint actuellement 23 000 cas, représentant des préjudices estimés à 4 200 milliards de wons (2,85 milliards d'euros). Cette crise se concentre à plus de 80% dans la région métropolitaine de Séoul-Incheon-Gyeonggi, cœur économique du pays, menaçant directement la stabilité résidentielle de millions de familles sud-coréennes. L'ampleur de ces chiffres témoigne d'une crise systémique qui dépasse les cas isolés pour devenir un enjeu de politique publique majeur.

Remboursement préalable de 80% puis recours contre les fraudeurs

L'innovation majeure de cette loi réside dans son mécanisme de « remboursement préalable » : l'État verse immédiatement 80% du dépôt de garantie aux victimes, puis exerce ensuite un recours en récupération contre les auteurs des escroqueries. Cette approche révolutionnaire inverse la logique habituelle qui exigeait des victimes qu'elles attendent la finalisation de procédures judiciaires complexes et la saisie des biens du fraudeur avant tout remboursement.

Un responsable du ministère du Territoire explique cette innovation : « Les produits de garantie existants de la Korea Housing & Urban Guarantee Corporation (HUG) ne permettaient pas de faire face à l'ampleur des escroqueries jeonse. Cette loi spéciale permettra aux victimes de retrouver un minimum de stabilité résidentielle. » Ce changement de paradigme transforme l'État en assureur de dernier recours, socialisant les risques d'un système locatif privé défaillant.

Concrètement, les victimes pourront récupérer leur argent dans un délai de 30 jours après signalement, contre plusieurs années auparavant. Cette rapidité de traitement vise à éviter que les familles touchées ne sombrent dans la précarité résidentielle, enjeu social majeur dans un pays où l'accès au logement conditionne largement le statut social et les perspectives d'avenir, particulièrement pour les jeunes couples et les familles avec enfants.

Système d'exécution conjoint LH-HUG

La mise en œuvre de cette loi repose sur une coopération renforcée entre la Korea Land and Housing Corporation (LH) et la Korea Housing & Urban Guarantee Corporation (HUG), deux organismes publics spécialisés dans le logement. LH se chargera de la fourniture de logements temporaires et de l'attribution prioritaire de logements sociaux permanents, tandis que HUG gérera les remboursements préalables et la récupération ultérieure des créances auprès des fraudeurs.

Cette répartition des rôles crée un filet de sécurité complet pour les victimes. Au-delà du remboursement financier, le dispositif inclut une solution résidentielle immédiate : lorsqu'un logement sous système jeonse est mis en vente forcée, l'État peut l'acquérir prioritairement pour le proposer aux victimes à 60% de sa valeur marchande. Cette approche permet aux familles de conserver leur lieu de résidence habituel, minimisant les perturbations sociales et scolaires, particulièrement importantes dans la société coréenne.

Cette approche intégrée s'inspire des meilleures pratiques internationales de gestion de crise immobilière, mais avec une spécificité coréenne : la rapidité d'intervention et la globalité de la réponse publique. Contrairement aux approches européennes souvent centrées sur l'indemnisation financière, le modèle coréen privilégie la continuité résidentielle et la stabilité sociale des familles affectées.

Durcissement des sanctions et prévention

La loi ne se contente pas d'indemniser les victimes : elle introduit un arsenal répressif renforcé pour dissuader les escroqueries futures. Outre les sanctions pénales existantes pour escroquerie (jusqu'à 10 ans de prison), un nouveau « délit spécial d'escroquerie jeonse » est créé, passible de peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à vie pour les cas les plus graves. Cette escalade pénale reflète la gravité accordée par les autorités à ces infractions qui détruisent durablement la vie des victimes.

Les dispositions de confiscation et de saisie sont également renforcées pour permettre l'utilisation de tous les biens des fraudeurs dans l'indemnisation des victimes. Kwon Dae-young, vice-ministre du Territoire, souligne la philosophie pénale de cette approche : « Les escroqueries jeonse causent des préjudices qui s'étendent sur toute une vie. Cette loi assure un châtiment sévère pour les auteurs et un secours rapide pour les victimes. »

Cette approche répressive s'accompagne d'un volet préventif ambitieux visant à restaurer la transparence du marché immobilier locatif. Toutes les transactions jeonse devront désormais inclure la divulgation obligatoire de la situation financière du propriétaire et de l'historique de ses contrats locatifs. En cas de fausses déclarations, les contrats pourront être annulés rétroactivement, protégeant juridiquement les locataires contre les pratiques frauduleuses.

Transparisation du marché immobilier

Pour prévenir la répétition de telles crises, la loi introduit des mécanismes de transparence révolutionnaires sur le marché immobilier coréen. Lorsque le dépôt jeonse dépasse 80% de la valeur du logement (situation à risque élevé caractéristique des investissements spéculatifs « gap investment »), la souscription d'une assurance garantie devient obligatoire, avec les primes à la charge du propriétaire.

Cette mesure vise directement les pratiques spéculatives qui ont alimenté la crise : des investisseurs achetaient des biens immobiliers avec un financement minimal, utilisant les dépôts jeonse pour rembourser leurs emprunts, créant des châteaux de cartes financiers qui s'effondrent au premier retournement de marché. En rendant ces opérations plus coûteuses par l'assurance obligatoire, la loi décourage structurellement ces pratiques à risque.

Cette réforme du marché locatif coréen pourrait inspirer d'autres pays confrontés à des bulles immobilières spéculatives. L'approche coréenne, qui combine obligations d'information renforcées, assurance obligatoire et intervention publique directe, crée un nouveau modèle de régulation du marché locatif qui privilégie la protection des occupants sur la liberté contractuelle absolue des propriétaires.

Centres d'accompagnement « guichet unique »

La dimension humaine de cette crise n'est pas oubliée avec la création de « Centres de soutien intégré aux victimes d'escroqueries jeonse » dans les 17 régions administratives du pays. Ces structures proposent un accompagnement global : conseil juridique, aide au logement temporaire, soutien psychologique, services actuellement limités à Séoul et à la province de Gyeonggi.

Cette approche holistique reconnaît que les victimes d'escroqueries jeonse subissent des traumatismes qui dépassent la seule perte financière. La perte du logement familial, souvent synonyme de déracinement social et scolaire, s'accompagne fréquemment de détresse psychologique, de ruptures familiales et de difficultés de réinsertion sociale. Les centres intégrés visent à traiter globalement ces conséquences multidimensionnelles.

L'innovation réside également dans la permanence du service : des conseillers spécialisés et des juristes sont disponibles en permanence, avec une hotline d'urgence fonctionnant 24h/24. Cette disponibilité continue reconnaît le caractère traumatisant de la découverte de l'escroquerie et la nécessité d'un soutien immédiat pour éviter l'aggravation de la situation des victimes.

Mise en œuvre progressive dès octobre

L'application de cette loi débutera le 1er octobre selon un calendrier échelonné. La première phase ciblera 2 000 ménages nécessitant une aide d'urgence, qui bénéficieront du remboursement immédiat de 80% de leur dépôt. La seconde phase étendra progressivement ce dispositif à l'ensemble des victimes recensées, avec un objectif de traitement complet d'ici la fin 2024.

Cette montée en charge progressive permet de tester la robustesse du système administratif tout en apportant des solutions immédiates aux situations les plus critiques. Elle témoigne également de la complexité logistique de cette opération d'envergure, qui mobilise plusieurs ministères, organismes publics et collectivités territoriales dans un effort coordonné sans précédent.

Won Hee-ryong, ministre du Territoire, des Infrastructures et des Transports, précise l'engagement gouvernemental : « Nous concentrerons toutes nos capacités administratives pour que les citoyens victimes d'escroqueries jeonse retrouvent rapidement un environnement résidentiel stable. Nous œuvrerons désormais à créer un marché locatif transparent et sûr, exempt d'escroqueries jeonse. »

Cette déclaration ministérielle souligne l'ambition transformatrice de cette réforme : non seulement réparer les dégâts de la crise actuelle, mais refonder structurellement le marché locatif coréen sur des bases plus sûres et transparentes. Le gouvernement estime que ces mesures permettront à plus de 90% des victimes de retrouver une stabilité résidentielle dans l'année, objectif ambitieux qui témoigne de la détermination politique à surmonter cette crise majeure.

Cette loi d'urgence sud-coréenne constitue un cas d'étude remarquable de gestion gouvernementale d'une crise immobilière spécifique. En combinant indemnisation rapide, répression renforcée et prévention structurelle, elle offre un modèle innovant de réponse publique aux défaillances de marché, particulièrement pertinent dans un contexte mondial d'instabilité immobilière croissante. Son succès ou ses limites seront observés attentivement par les autres pays confrontés à leurs propres crises du logement.

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